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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/107

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et à manœuvrer par sa droite, pour tourner la résistance de l’ennemi sur la ligne Serre-Sissonne.

« Pour les 5e, 4e armées françaises et 1re armée américaine, à atteindre la région Mézières, Sedan et la Meuse en amont, en faisant tomber la ligne de l’Aisne par une manœuvre des deux ailes : — celle de gauche (5e armée française) en direction de Chaumont-Porcien, — celle de droite (4e armée française et 1re armée américaine) en direction de Buzancy-Le Chesne. »

La lecture du document, d’un style cependant si sec, émeut profondément. On évoque un instant ces quatre années de guerre : les Allemands se déchaînant sur la France à deux reprises, à l’été de 1914, au printemps de 1918, et, entre ces deux invasions, cette lutte effroyablement longue où, attaqués, attaquant, nous avons combattu, arrêtant l’ennemi ou le faisant reculer, disputant ou reconquérant le territoire pouce par pouce, toujours finalement déçus, parfois cruellement menacés et, tandis que nos provinces du Nord et de l’Est gémissaient sous le joug, le cœur du pays, Paris en constant péril ; — un cauchemar de cinquante mois et de tous les jours. Ce 19 octobre, un chef décrète la libération de notre territoire et on le sent aussi sûr de la victoire libératrice que si, sous ses yeux, l’ennemi refoulé, écrasé, rejeté en dehors, demandait grâce. La main qui, en termes si simples, mais fulgurants en leur netteté, écrit l’ordre et le signe, n’hésite ni ne tremble. C’est l’ennemi vaincu hors de France qu’il y a au bout de ces quelques paragraphes. Et nous savons qu’en effet tous les articles de ce programme se vont exécuter dont seule la capitulation de l’ennemi empêchera la complète réalisation.

Et cependant ce programme même ne satisfait pas le cerveau du chef. Cet ennemi, on ne le chassera pas seulement de ses derniers retranchements. Une grande manœuvre se décide enfin qui, le prenant à revers, doit aboutir à l’aller chercher chez lui, sur la Moselle, sur la Sarre, sur le Rhin. C’est la grande opération de Lorraine.

C’est le 20 octobre que se précise, dans une lettre à Pétain, le projet qui, depuis si longtemps, — très exactement depuis trois mois, — mûrit en ce cerveau. « Les opérations en cours, écrit Foch, visent à rejeter l’ennemi à la Meuse... Pour faire tomber la résistance sur cette rivière, il y a lieu de préparer des attaques de part et d’autre de la Moselle, en direction de