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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/143

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que l’enseignement primaire n’a pas trouvé de gardiens aussi farouches de principes d’ailleurs discutables. Pendant longtemps, les concours du certificat et de l’agrégation des jeunes filles (notez que ce ne sont pas seulement des examens, mais des concours) se passaient avec ce qu’on appelle une publicité restreinte : seules les dames étaient admises, et les hommes autorisés, pour une raison valable, par le président du jury. On a découvert que cela aussi était contraire aux principes. Il y a une orthodoxie de l’examen. Un examen doit se passer toutes portes ouvertes, comme un jugement, comme un mariage. Vous voyez bien que l’examen fait partie de la Constitution.

Le baccalauréat en particulier est une institution nationale. M. Lavisse, qui est un rude jouteur, désespère de le mettre à mal, et prévoit que cet adversaire lui survivra. On l’accuse de canaliser, partant de stériliser l’enseignement. Les connaissances, les écrivains, les faits, qui ne sont pas dans le programme, sont comme s’ils n’existaient pas. On l’accuse de paralyser les spontanéités naissantes, et d’inspirer une pédagogie de touche-à-tout : « Crétins encyclopédiques, » dit M. Herriot de certains bacheliers. On l’accuse de couler tous les individus dans le même moule. Bastiat compare ce moule à un lit de Procuste. « La vie sociale sera interdite à quiconque ne subit pas mon programme. » On l’accuse enfin de substituer au travail intellectuel la préparation, de faire peser sur les belles années de la formation de l’esprit la hantise de l’examen et de l’examinateur. Que demandera-t-il ? Que veut-il qu’on lui réponde ? On ne pense plus par soi-même, on pense selon ce que pensent MM. X... et Y..., ou plutôt selon ce qu’on suppose qu’ils pensent. Et comme MM. X... et Y... sont de plus en plus nombreux, on s’exerce à penser le moins possible et à ne pas conclure, de façon à ne contrarier personne. On devine bien que les esprits vigoureux secouent cette obsession. Peut-on assurer qu’ils sont la majorité, et est-ce pour eux que l’on légifère ? — A tout cela on répond, et la réponse est forte, que le baccalauréat est la sauvegarde de l’enseignement secondaire., Lui disparu, chaque carrière, chaque Faculté auront leurs examens d’entrée, modelés sur leurs propres exigences, et c’en sera fait de la culture commune.

Mais, commune aux garçons, est-il nécessaire qu’elle soit encore commune aux filles ? Un seul programme pour les lycées