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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/314

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Mais le matériel humain est inépuisable en Russie, et, à force d’appels répétés, on arrive à posséder le nombre de soldats nécessaire. « 

La minorité qui répond à l’appel est guidée par des motifs très divers. L’un des principaux est la nécessité de se nourrir. Le soldat de l’armée rouge jouit d’un seul droit incontestable : il est nourri. Il reçoit deux fois plus de pain que le civil, et ensuite, de la viande, du sucre, du thé, du tabac, etc., qu’il n’aurait jamais pu se procurer autrement. A côté de ce motif, qui est prédominant dans les villes et dans les campagnes du Nord de la Russie où la famine est intense, il y en a d’autres. Quoique le pouvoir soviétiste n’ait pas pris racine dans les campagnes, et que celles-ci ne soient gouvernées qu’au moyen d’ « expéditions correctionnelles, » il y a souvent danger à ne pas se soumettre : on peut être dénoncé par le voisin, arrêté en chemin de fer, etc. Enfin, il y a dans le pays un vieux fond d’obéissance aux autorités qui subsiste malgré l’anarchie.

Les recrues, arrivées dans leurs unités, y trouvent les conditions d’existence habituelles d’un soldat : l’officier qui commande, une caserne avec son régime consacré par la tradition, d’autres soldats ayant déjà acquis certaines notions de discipline militaire.

Cette masse plus ou moins amorphe, composée d’officiers détestant le bolchévisme et de soldats prêts à déserter, ne saurait certainement constituer telle quelle une armée puissante entre les mains du bolchévisme. Les bolcheviks le comprennent très bien. Aussi, dès leur première formation militaire, ils ont soumis toutes les unités militaires, tous les états-majors, toutes les institutions administratives de l’armée à un contrôle bolchéviste très serré organisé principalement au moyen de deux procédés assez simples.

Chaque unité militaire contient un certain nombre de « communistes, » dénonciateurs payés et gardiens secrets de la discipline bolchéviste. D’autre part, toute institution militaire est soumise à la surveillance d’un commissaire bolchéviste qui a droit de vie et de mort sur le personnel militaire de l’institution. Le commissaire porte la responsabilité de tout ce qui se fait dans l’unité qu’il est chargé de contrôler ; et il risque sa vie si un mouvement quelconque d’opposition s’y manifeste. Le chef communiste sera impitoyable : car lui-même