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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/448

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l’hospitalité des villes du midi ou des campagnes normandes. Ces deux vieux hommes ont fait peut-être un très long chemin pour pouvoir reposer leur tête sur une pierre d’Arras.


— « Et puis, me dit mon compagnon, il y en a dont vous ne verrez pas les intérieurs, des bourgeois qui, dans leur appartement lézardé et vidé, sont anxieux de savoir comment ils passeront l’hiver. Ils ont tout perdu, leur petit bien et leur situation. Vous en avez rencontré dans mon bureau, mes collaborateurs, des hommes très dignes, très courageux, qui ont femme et enfants. » — « N’ont-ils encore rien reçu de l’État ? » lui demandai-je. — « Rien. Est-ce qu’on s’occupe d’eux ?… Ce n’est pas ainsi que nous avions compris le relèvement. Que de lenteurs et quel surcroit de souffrances on nous aurait épargnés, si l’État ne prétendait pas tout faire et si les gens qui le dirigent se comportaient comme nous ! Devant un désastre semblable, il n’y a qu’une devise qui vaille, celle que notre Comité de Défense a prise : Union-Action. Je suis un vieux radical ; mais j’ai dit : « Pas de politique ! » Et pour tout ce qui concerne les intérêts de notre ville, nous avons réalisé entre Arrageois l’union sacrée ; et nous essayons d’agir. Mais notre action est ralentie par les bureaux, et notre union est souvent impuissante à empêcher une injustice… »

On proteste, en effet, contre l’intrusion de la politique dans la distribution de certaines grosses indemnités. Je souhaite que ces iniquités apparentes soient justifiées. Ce qui ne peut l’être, c’est le gaspillage des Services de la Reconstitution et le nombre invraisemblable de leurs fonctionnaires. Ceux qui ont tant de peine à vivre d’un modeste emploi et qui attendent depuis des mois une indemnité dont ils ont absolument besoin s’irritent de voir tant de parasites si grassement payés. L’assemblée des États Généraux des provinces dévastées a déçu les délégués d’Arras. Ils voulaient des réalités : on leur a offert de l’éloquence. Ils comptaient ramener un haut commissaire et empêcher l’État de se substituer en tout et pour tout aux groupements locaux, meilleurs juges que lui des nécessités locales. Leur rêve régionaliste s’est effondré. Je n’insiste pas ; car je recueillerai partout les mêmes doléances.

Partout aussi, je trouverai la terrible question du charbon et