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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/449

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des transports. La gare d’Arras, comme toutes les gares du réseau, reste embouteillée des semaines entières. Il est hors de doute que la Compagnie du Nord a prodigieusement travaillé. Les voies et les ponts sont réparés, assez du moins pour que les trains circulent. Mais le charbon qu’elle brûle est de mauvaise qualité et la journée de huit heures lui crée des complications. On accuse son personnel de négligence. Elle accuse les destinataires de ne pas décharger plus de dix pour cent des wagons qui leur arrivent. Elle est obligée, dit-elle, « de les garer dans des endroits de fortune parfois non clôturés. » D’où un nombre croissant de déprédations et de vols. La vérité est que la Compagnie ne peut suffire à un trafic qui a triplé ou quadruplé. Elle ressemble au gouvernement. Ni l’un ni l’autre ne sont outillés pour faire face à cette situation formidable. La Compagnie n’a pas assez de voies, et la centralisation n’en a qu’une, bien étroite et bien fatiguée…


Saint-Laurent-Blangy, à trois kilomètres d’Arras, était un gros bourg de deux mille habitants, à la fois industriel et agricole. Il a pour maire M. Doutremépuich, dont un des fils, lieutenant pendant la guerre, s’occupe particulièrement de sa reconstitution et a su, par sa parole et son ardeur, y intéresser la ville de Versailles. La route qui y mène porte le nom des Rosati. C’est là que, dix ans avant la Révolution, se réunissait, le 21 juin, « non loin du Chatel qui se nomme Avesne, » une société d’hommes d’esprit qui célébraient les roses. Celui que Rivarol, par opposition à Mirabeau « le flambeau de la Provence, » appelait « la Chandelle d’Arras, » Robespierre, madrigalisa dans les roseraies de Blangy. Ces souvenirs du XVIIIe siècle fleurissaient encore sur ce coin de terre où s’élevaient des usines : une métallurgie, une fabrique de glaces, des fabriques d’huile, une minoterie, des malteries, des fonderies, des brasseries. Il y avait là des châteaux historiques et des châteaux modernes et des parcs dont l’un d’eux, dit-on, inspira Corot. Aujourd’hui tout est mort. Quelques ouvriers réparent des murs qui bordaient la route. On aperçoit des maisons écroulées ; on passe devant des baraquements anglais ; les champs sont encore çà et là hérissés de fils de fer barbelés, et çà et là un abri souterrain, un abri boche, ouvre sa gueule