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cardinal que les prêtres déportés allaient être rapatriés. — Et les laïcs ? interrogeait immédiatement, dans une lettre rapide, le secrétaire de l’archevêché. Von Bissing ainsi sentit aussitôt, en réponse à ce qu’il considérait, lui, comme une faveur, que le cardinal ne se jugerait jamais satisfait par des mesures qui sépareraient l’Église belge de l’ensemble du peuple belge. L’Allemagne eût aimé pouvoir lui parler, uniquement, de l’organisme confessionnel dont il était le chef ; elle ignorait qu’en face d’elle, comme en face des barbares du Ve siècle, un évêque voulait et devait être le défenseur de tous.

Le 16 décembre, cardinal et gouverneur s’abordèrent : von Bissing assura qu’il allait réclamer la libération des laïcs ; il annonça qu’entre le métropolitain de Malines et ses suffragants, les communications désormais étaient libres. Le cardinal remercia ; mais de peur que von Bissing n’attachât à son merci la valeur d’une amnistie, il ajouta que les Belges n’oublieraient jamais les horreurs passées. Et non content de l’avoir dit, il tint à le redire, le 28 décembre, dans une exposition écrite de ses sentiments :


Mon estime pour la personne de Votre Excellence, ma reconnaissance pour le souci qu’Elle témoigne des intérêts religieux du pays sont profondément sincères. Mais M. le gouverneur général von Bissing représente chez nous une nation usurpatrice et ennemie, en face de laquelle nous affirmons notre droit à notre indépendance et au respect de notre nationalité. Au surplus, en ma qualité de représentant des intérêts moraux et religieux de la Belgique, je proteste contre les injustices et les violences dont mes compatriotes ont été les innocentes victimes.


La même enveloppe qui recouvrait cette lettre en renfermait une autre, destinée à l’archevêque de Cologne. Tout en se déclarant satisfait de son premier contact avec von Bissing, le cardinal proclamait avec l’accent d’un juge : « La bienveillance relative dont nous sommes aujourd’hui l’objet n’absout pas les crimes dont les Belges ont si atrocement souffert. » Le chancelier von Bethmann, retournant les rôles, venait d’affirmer, devant le Reichstag, que les Belges avaient eu, à l’endroit des Allemands, des « procédés jurant avec toutes les lois de la civilisation. » — « Mensonge monstrueux ! » signifiait l’archevêque de Malines à l’archevêque de Cologne ; et sans ambages, il établissait, avec des preuves, que ce qui avait juré avec toutes