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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/648

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il n’eut pas un accessit : dix collégiens, ce jour-là, furent tenus pour meilleurs écrivains qu’Edmond Rostand. Tout de même, il savait faire les « discours : » on le vit bien, le jour qu’il prononça sous la Coupole son éblouissant discours de réception. :


II

C’est vrai que son premier livre passa inaperçu. Mais c’est vrai aussi que les Musardises de 1890 (Les Songes Creux, — Poésies diverses, — Le livre de l’Aimée), si elles contenaient des développements agréables et faciles sur des thèmes romantiques et de jolis vers d’amour, ne se présentaient pas comme un recueil fort original. C’est à distance qu’il est curieux de les relire parce que nous avons assisté à l’épanouissement de ce qui n’y était qu’en germe. La première pièce, qui sert de dédicace au volume, célèbre les ratés, les génies incomplets et ridicules, poursuivants d’un idéal qu’ils n’atteindront jamais ! Puis c’est le « vieux pion » surnommé Pif-Luisant, poète et nasigère, — déjà ! Puis le « vieux poète » qui meurt incompris, et dans le Chien et le loup, le bohème féru de son indépendance. Ainsi s’ébauchait, dans les Musardises, la figure du raté sublime auquel l’auteur de Cyrano devait bientôt conférer l’illustration.

Son vrai début, ce furent les Romanesques, qui sont ses Contes d’Espagne et d’Italie. Le poète s’y rattache à une longue tradition littéraire : ce sera toujours une des caractéristiques de son œuvre. Il y a là beaucoup de Musset et un peu de Banville, mais il y a aussi du Marivaux et du Florian, et du répertoire classique et de la comédie italienne. Au pays bleu, de bons vieillards et de gentils petits amoureux se jouent des tours innocents : ils sont honnêtes et ils amusent, ils ont de la vertu et ils ont de l’esprit. Et quand on a tout dit à l’éloge de cette jolie pièce, on n’en a pas encore dit le principal attrait : c’est la jeunesse. Non pas la jeunesse impertinente et piaffante et qui plaît par ses défauts même, mais cette autre jeunesse, tendre et confiante, qui est la fleur de l’âme au matin rose de la vie. La gaieté y pétille. A la première représentation, la pièce faisait spectacle avec le Voile de Rodenbach. Le Voile c’était encore Bruges la morte : j’ai dans l’oreille Un glas de cloches, de soupirs et de gémissements. Cela ne manquait pas de talent, mais cela manquait de gaieté. On écoutait le Voile