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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/667

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Mais que leurs femmes et que toutes celles qui aiment le vrai luxe songent aux tristes Bailleulaises dont les doigts restent inoccupés, le soir, dans l’ombre et qui ne voient autour d’elles que les formes horribles de la désolation. Ces abeilles nocturnes des ruines demandent des ruches.


DOUAI, CAMBRAI, SAINT-QUENTIN

Douai, Cambrai, Saint-Quentin : ces trois villes sont de celles qui ont connu non seulement l’occupation, mais l’évacuation, c’est-à-dire le pillage et l’incendie. La délivrance même leur fut, hélas ! comme un surcroit d’épreuves.

Ce qu’elles ont enduré, on en aura une idée en lisant le livre que l’archevêque de Cambrai, Mgr Chollet, vient de publier sous le titre : Mon copie de Lettres. Il nous met sous les yeux la partie la plus significative de sa correspondance avec les autorités allemandes et leurs réponses. Lecture poignante. D’un côté la force morale, de l’autre, la force matérielle « brutale et fourbe. » Armé des conventions de La Haye et de sa dialectique, invoquant tour à tour le droit et l’humanité, les lois écrites et les lois divines, le prélat combat pour ses églises qu’on dépouille, pour ses prêtres qu’on maltraite, pour ses hôpitaux qu’on menace, pour les usines dont on saisit le matériel, pour les cimetières qu’on profane, pour les vivants et pour les morts. Il ne rencontre devant lui que mauvaise foi, sottise et barbarie. La mauvaise foi se nomme von der Marwitz. L’archevêque a protesté contre le travail de guerre imposé aux ouvriers. Le Marwitz lui répond : « Les travaux en exécution sont destinés à former le front contre les Anglais et non contre les Français. Ces travaux exécutés par les ouvriers civils, rentrent donc dans ceux prévus par les lois de la guerre puisqu’ils ne sont pas contre leur patrie. » La ruse du barbare signait du nom de Hoffman Obersleutnant une note où l’archevêque était prié « de déconsacrer par un décret de profanando les objets d’église » sur lesquels on ferait main basse. Le voleur demandait à celui qu’il volait d’enlever à son acte le caractère d’une profanation ! La sottise, le major Sweibe l’incarne copieusement quand il écrit le 3 octobre 1914 : « Je vous fais obligation de veiller à ce que le curé X… s’abstienne de toute communication écrite ou orale avec les membres de