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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/800

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commandera et quand il escomptera de la visite un avantage personnel.

Du portrait de ces deux personnages marquants il serait injuste de déduire que tous les membres de la Commune, leurs adulateurs, fussent uniformément des monstres. L’entraînement moutonnier des uns, la nullité des autres, le plaisir de jouer un rôle, d’être un important, d’occuper une place éminente et d’en tirer profit à l’occasion, tels étaient les mobiles de l’ardeur que la plupart d’entre eux apportaient à s’acquitter de leur fonction. Mais, à côté d’énergumènes impénitents, il y avait beaucoup de braves gens, dissimulant leur bonhomie sous des manières farouches ; même parmi ceux dont la grossièreté était native et incorrigible, se trouvaient nombre d’artisans, de boutiquiers parisiens, ni meilleurs, ni pires que ceux qu’on pourrait recruter aujourd’hui dans les mêmes classes sociales ; grandement flattés de leur panache d’élus du peuple, ils en concevaient aussi une sorte d’effroi et de gêne. À l’Hôtel de Ville, dans le brouhaha des séances, au bruit des tambours et des chants patriotiques, sous l’averse drue des harangues de Chaumette, peut-être se prenaient-ils au sérieux et se croyaient-ils devenus les dignes successeurs des Brutus, des Coclès et des Cassius dont on leur rebattait les oreilles et qu’ils ne connaissaient d’ailleurs que de nom. Mais une fois livrés à eux-mêmes et rendus à l’intimité de leur conscience, ils se découvraient timorés et perplexes ; quand ils n’étaient plus sous l’œil des maîtres et des camarades, ils se sentaient beaucoup moins crânes ; les sentiments, les croyances, voire les préjugés ataviquement accumulés depuis l’enfance dans leurs cœurs d’hommes ne se trouvaient pas subitement abolis du fait de porter l’écharpe municipale et de se parer du titre de commissaire. Et voilà qui explique l’embarras dont beaucoup témoignaient quand ils se trouvaient tête à tête avec la famille royale.


Dès les premières séances, la Commune insurrectionnelle avait décidé que, chaque soir, les noms des commissaires chargés de la garde du Roi seraient tirés au sort dans une urne contenant les noms de tous les membres du Conseil. » Il en fut ainsi, sans nul doute, au début ; mais, soit que ce système ne donnât pas satisfaction aux impatients, soit qu’on suspectât