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le hasard lui-même, il parut plus tard prudent de suivre pour la désignation des commissaires l’ordre alphabétique de la liste des membres. Les séances de la Commune commençaient ordinairement de six à sept heures du soir : en accordant une heure ou deux de préliminaires consacrés, comme le raconte Morellet, aux délégations et aux chants patriotiques, la désignation des commissaires du Temple n’avait pas lieu avant huit heures. En supposant qu’ils partissent aussitôt, qu’ils passassent à leur domicile pour y prendre leurs pantoufles ou leur bonnet de coton ou pour prévenir leur ménagère, ils n’arrivaient pas à la prison avant neuf ou dix heures du soir, et c’est bien là, en effet, l’heure que nous trouvons indiquée dans tous les récits des municipaux qui ont rendu compte de leur fonction. On soupait avec les huit collègues qu’on trouvait là installés et, après le repas pris en commun, comme on devait rester au Temple durant deux jours pleins et qu’on était « relevé par moitié, » les quatre municipaux arrivés l’avant-veille s’en retournaient chez eux ; les quatre autres qui n’étaient de garde que depuis vingt-quatre heures demeuraient avec les nouveaux venus : la réunion des huit commissaires formait le Conseil du Temple : c’étaient toujours les arrivants qui prenaient, vers minuit, la faction chez les prisonniers.

La famille de Louis XVI avait, le 25 octobre, quitté le logis de M. Barthélémy et pris possession de la grosse Tour. L’unique grande salle de chacun des étages avait été hâtivement divisée, au second et au troisième, en quatre pièces à peu près d’égales dimensions, mesurant environ 4 m. 50 sur 4 mètres. On avait tendu des toiles au second étage, en manière de plafonds, pour dissimuler la profondeur des voûtes ogivales et comme la Tour était sans cheminées on avait dû obstruer certaines fenêtres par des appareils de chauffage dont la fumée se dégageait à l’extérieur au moyen de longs tuyaux de tôle scellés aux murs et s’élevant jusqu’aux toits du donjon.

Le deuxième étage est réservé au Roi : une porte de bois, avec marteau de fer, une porte de fer ; chacune de ces deux portes est munie d’une forte serrure et de quatre verrous ; toutes deux sont percées d’un judas à coulisse. L’antichambre sur laquelle elles s’ouvrent est tapissée d’un papier figurant des pierres de taille. Immédiatement à droite de la porte d’entrée, un retrait de deux mètres de profondeur formant l’embrasure