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Les électeurs savaient donc sans équivoque à quelle manifestation ils étaient conviés. Leur réponse a été nette. La liste de l’Union a triomphé tout entière par 62 000 voix sur 94 000 votants. Reprenant le mot historique du président Poincaré, la Lothringer Volkszeitung était en droit d’intituler ses commentaires : « Le plébiscite est fait. » Ce qu’un ouvrier messin traduisait, devant les tableaux où s’alignaient les résultats, aux applaudissements de la foule, par ce cri plus familier : « On les a eus, les Boches ! »

Encore faut-il remarquer que les listes dissidentes ne représentaient sur ce point aucune opinion différente. L’une affichait des sentiments ultra-patriotiques et l’autre se gardait d’en affirmer de contraires.

La Ligue républicaine n’avait pas, quand elle a rendu public le nom de ses candidats, plus de quelques jours d’existence. Elle était née, avec la période électorale, d’une combinaison d’ambitions, ambitions locales déçues par les choix de l’Union, ambitions parisiennes en quête d’un mandat quelconque. L’échec a été complet, 6 500 voix. Deux ou trois des Lorrains engagés dans cette aventure étaient personnellement des plus sympathiques. Mais la masse n’a pas compris comment, en une circonstance aussi grave, ils pouvaient manquer à la discipline. Ils ont en outre été desservis par des journalistes fraîchement débarqués de régions éloignées dont les polémiques injurieuses, si contraires aux habitudes d’extrême courtoisie en honneur dans la presse messine, ont causé gros scandale. Du moins faut-il retenir, comme un trait significatif, que, pour gagner des suffrages, ces journalistes ont cru devoir exagérer leur intransigeance française jusqu’à traiter de germanophile la liste où figurait le général de Maud’huy. Les candidats de la Ligue ne parlaient pas d’ailleurs un autre langage que les candidats de l’Union :


Électeurs lorrains, disaient-ils, après quarante-sept années d’oppression allemande, après quarante-sept années de cruelle séparation, la Lorraine qui n’avait jamais désespéré revient à la France qui l’accueille comme sa fille chérie et l’aime d’autant plus qu’elle a souffert davantage pour elle. La République, une et indivisible à jamais, est reconstituée. Vous n’êtes plus sujets de l’Allemagne, vous êtes citoyens français, et, pour la première fois depuis un demi-siècle ; vous allez user de vos droits électoraux, non plus pour envoyer des députés protestataires au Reichstag, mais pour désigner vos