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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1906.djvu/227

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plus rigoureux de ses confrères en jansénisme. Pendant qu’il professait au collège de Sainte-Barbe, en 1707, ses écoliers crurent s’apercevoir, raconte le petit Nécrologe de Port-Royal, qu’il ne se couchait pas. « Pour s’en assurer, ils attachèrent ensemble les draps de son lit : quelques jours après, les épingles étaient encore intactes. » « Exact observateur des règles », il avait des scrupules dignes des Singlin, des Sacy, des Barcos, des Fontaine, des premiers « Messieurs ». Il ne voulait point dîner en ville, même, — et nous verrons tout à l’heure qu’avec son zèle ceci était particulièrement méritoire, — même « quand le particulier qui l’invitait lui promettait cent écus pour ses pauvres ». Quant à son prosélytisme, c’en est peut-être une preuve non médiocre qu’il convertit un propre neveu du cardinal Dubois, lequel était exposé à toutes les tentations de la faveur et avait même déjà reçu de son oncle un canonicat dont Tabourin lui apprit à sanctifier l’usage. À la bulle Unigenitus Tabourin s’opposa avec une telle vivacité qu’il mérita d’être un des « martyrs » de la « bonne cause ». En 1721, une lettre de cachet l’exilait à Luçon. Transféré de Luçon à Condom, de Condom au Mont Saint-Michel, il ne désarma point, et dans ce dernier séjour il inquiétait l’évêque de Dol par son audace à propager dans les campagnes, autour du Mont, les livres suspects. Ses amis de Paris voulurent l’amener dans un milieu plus sympathique, à Auxerre, où il y avait un groupe janséniste nombreux. Arrêté par la maladie à Paris, il y resta, oublié, de 1733 à 1741. Mais en 1742 « les ennemis de tout bien, — dit le Nécrologe, — lesquels ne le voyaient qu’avec peine », obtinrent de nouveau son éloignement, lorsque l’abbesse de Chelles, fille du Régent, une bonne amie des « amis de la vérité », parvint à faire révoquer ce cinquième exil. Et c’est ainsi que, sans interruption, de 1733 à 1762, Tabourin put surveiller de près la fondation à laquelle il a attaché son nom : ces écoles populaires qu’il avait fondées, n’étant encore que « maître des humanités » ou « supérieur de philosophie » au collège Sainte-Barbe.

Des renseignements épars dans le petit Nécrologe de Port-Royal, joints à ceux, beaucoup plus précis, que M. Gazier apporte, il résulte évidemment que les bailleurs de fonds de cette création scolaire étaient des jansénistes. C’en était un, proba-