Page:Revue pédagogique, second semestre, 1906.djvu/229

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
215
UN ENSEIGNEMENT PRIMAIRE JANSÉNISTE DE 1711 À 1887

du Jansénisme à cette date. — Les années 1709, 1711, 1713, c’est l’époque critique où le Jansénisme, déjà en pleine révolte contre Rome et en révolte presque complète contre le gouvernement français, est poussé plus vivement que jamais par Louis XIV et par le Saint-Siège. Fénelon, irréconciliable adversaire des hommes et des idées de Port-Royal, excite à les exterminer le nouveau confesseur du roi, le P. Le Tellier ; Mme de Maintenon et le duc de Bourgogne font avec Le Tellier et Fénelon cause commune. Le monastère de Port-Royal est définitivement détruit. Le cardinal de Noailles paraît, à chaque instant, sur le point de tomber dans la disgrâce complète de Louis XIV, en même temps qu’il est condamné par Rome. Il s’agit, alors, pour le Jansénisme, de se perpétuer coûte que coûte, de mettre derrière l’élite ecclésiastique et laïque que la persécution va forcément amoindrir, un gros de partisans. Lui qui, jusqu’à présent, a recruté la majeure partie de ses adhérents dans la bourgeoisie, il se tourne alors vers le peuple… Et de là, sans doute, ce projet d’écoles populaires, foyers de propagande, et destinées à préparer des recrues à l’Église « sous la croix ». La réalité de ce plan devient infiniment probable, lorsqu’on rapproche de l’œuvre de Tabourin d’autres faits analogues. — En 1714, Rollin, éloigné du collège de Beauvais, refuse de M. de Tresmes, premier président du Parlement, et du cardinal de Bissy, l’offre d’un bénéfice, parce qu’il préfère se consacrer à l’organisation, à Saint-Étienne-du-Mont, de conférences populaires sur l’Histoire sainte (1714). En 1713, Mme Jourdan, veuve du sculpteur J.-B. Théodon, fonde avec l’agrément du cardinal de Noailles, dans le faubourg Saint-Antoine aussi, la maison de Sainte-Marthe, « destinée à former des jeunes filles qu’on pût ensuite répandre dans le royaume pour le soulagement des pauvres malades et l’instruction gratuite des jeunes filles[1] ». — Et qui voudrait vérifier le succès de cette propagande, devrait examiner si, au xviiie siècle, les quartiers de Paris ou les villes de province dans lesquels ces établissements s’implantèrent ne furent pas des

  1. Léon Séché, Les Derniers Jansénistes, t. I, p. 100-101. M. L. Séché ajoute même, sans citer sa source, que vers 1740 « l’abbé Tabourin avait la clef de la fameuse Boîte à Perrette » et qu’il « en fit profiter largement les sœurs de Sainte-Marthe ».