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REVUE PÉDAGOGIQUE

complet détachement du siècle que les frères de J.-B. de La Salle s’imposaient.

Ces précautions suffisent-elles pourtant à expliquer qu’au contraire de l’Institut des frères de La Salle, l’Institut des frères Tabourin s’établit et vécut, sans encombre, si bien que M. Gazier, racontant son histoire au xviiie siècle, n’ait pas à noter un seul de ces procès auxquels M. Guibert, le dernier historien de J.-B. de La Salle, est obligé de faire une place si grande ? Il serait naïf de le supposer. Si le Chantre de Notre-Dame, si les maîtres d’écriture, si le Parlement laissèrent Tabourin tranquille, c’est probablement surtout qu’il avait, comme M. Gazier nous le rappelle, « l’estime et l’amitié » du cardinal de Noailles, qu’il était « très bien vu de l’abbé Goury, inspecteur des « Écoles de Charité », qu’il était en communion complète d’idées, dans le faubourg Saint-Antoine, avec le curé de Sainte-Marguerite, Goy, fervent janséniste. Peut-être même, dans les derniers temps de l’épiscopat de Noailles, les écoles Tabourin obtinrent-elles, non seulement la tolérance bienveillante, mais encore des encouragements secrets, s’il est exact qu’à partir de 1712-1713, La Salle et ses frères se rangèrent parmi les adversaires déclarés des jansénistes. Sous l’épiscopat de Christophe de Beaumont, le fait que le supérieur des Écoles était un laïque, Suchet, contribua sans doute à les maintenir ; mais en outre, la protection (qui se manifestait, nous l’avons vu, par d’importants subsides) d’un avocat général et d’un conseiller à la Cour des aides ne fut apparemment pas nuisible aux frères Tabourin dans un temps où les magistrats n’étaient rien moins qu’amis des Jésuites. La vie sans orages de cet enseignement primaire janséniste est un témoignage de plus de la faveur dont jouirent durant presque tout le xviiie siècle, les Augustiniens, devenus, par une singulière transformation, « parti politique », alliés du Gallicanisme parlementaire et adversaires de la monarchie absolue.

Ce fut donc une « communauté » que forma l’abbé Tabourin, et à laquelle il donna tout de suite un supérieur (l’abbé Potherie, mort en 1757 après avoir gouverné la compagnie pendant quarante-quatre ans). Son successeur, Suchet, fut sans doute élu suivant des formes qui paraissent (Gazier, p. 36, 38) s’être conservées jusqu’à nos jours. Les frères étaient choisis par