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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1906.djvu/233

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UN ENSEIGNEMENT PRIMAIRE JANSÉNISTE DE 1711 À 1887

« l’assemblée », dit le Règlement, « quand il y avait un poste à remplir ». Les frères « placés hors de Paris » étaient, comme ceux de Paris, sous la direction du supérieur ; la maison mère de Paris fournissait de personnel, et soutenait, au besoin, d’argent, les frères de province. Il semble, qu’à la différence des frères de La Salle, ils se trouvaient parfois isolés : « autant que possible, on en placera, dit le Règlement, deux ensemble », mais ce n’était pas toujours possible. Même alors, — et le trait est à noter, — on ne leur recommandait pas de suppléer, par de pieuses fréquentations, à la vie de communauté dont le soutien spirituel leur manquait. Tout au contraire, on conseillait à ces instituteurs, missionnaires secrets de la pensée de Port-Royal, l’isolement complet. « Ils ne se mettront point en pension chez MM. les curés ni chez les habitants ; ils ne mangeront point chez les bourgeois ni habitants des lieux ; il leur est utile de vivre seuls. » Réunis en une « maison », ils n’étaient pas cloîtrés, mais ils ne devaient sortir que rarement, après autorisation, jamais le dimanche. Régime quasi monacal : « frères et novices fendaient le bois, épluchaient les légumes, balayaient la maison ». « Le costume consistait en une soutanelle de serge ou de gros drap, un collet pour les jours ouvriers, un rabat ecclésiastique pour sortir, un chapeau sans ganse comme celui des clercs » : uniforme aussi simple, moins grossier cependant et moins « singulier » que celui que J.-B. de La Salle avait donné à ses frères et qu’il avait maintenu avec tant d’énergie contre le curé de Saint-Sulpice.

La préparation pédagogique des frères n’était pas fort approfondie, et c’est leur faire beaucoup d’honneur que de prononcer à leur sujet, — comme aussi au sujet de la fondation faite par Jean-Baptiste de La Salle, à Reims, en 1684, — le nom d’ « École normale ». Pour être admis comme novice parmi les frères de Tabourin, que fallait-il ? (Gazier, p. 9) Avoir dix-neuf ou vingt ans au plus, être sans défauts corporels, « comme par exemple, bossu, boiteux, vue faible » ; avoir un « grand fond de piété » et le goût de l’enseignement. De ces diverses conditions on s’assurait par une « retraite » de huit jours. Après quoi, le novice s’exerçait à lire, — on lui apprenait à lire aussi l’écriture manuscrite, si difficile à déchiffrer jadis, — à écrire, à compter, et