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M. CARRÉ

gine et celui de leurs femmes, le nombre de leurs enfants, la composition de leurs logements, l’étendue de leurs jardins, etc. Détails assez peu importants, dira-t-on ; mais tout ce qui intéresse des subordonnés qu’il aime n’est-il pas important pour un chef plein de cœur comme l’était M. Carré ? Et puis la vie, l’existence de tous les jours, à laquelle un chef bienveillant doit toujours penser pour les autres, n’est-elle pas faite de détails ? »

Tel était l’homme. Pour apprécier la valeur de son œuvre pédagogique et éducatrice, il faut se rappeler ce qu’était l’école, et surtout l’école rurale, en ces temps déjà lointains où l’enseignement primaire, en province comme à Paris, végétait misérablement, où tant de chers frères et de bonnes sœurs exerçaient sans diplôme et sans savoir, où la plupart des maîtres laïques manquaient de préparation et de méthode, où ceux qui avaient passé par les écoles normales n’y avaient reçu qu’un enseignement étriqué et formel, où l’inspection même se montrait d’une extrême insuffisance. Quelle tâche à entreprendre que d’essayer de donner la vie à cet enseignement inerte, de substituer la méthode à la routine, d’instruire et de former le personnel ! C’est à cette besogne que s’attachèrent avec un dévouement et une ardeur inlassables, les Antoine, les Vessiot, les Jacoulet, les Carré et quelques autres, M. Carré surtout, qui passait la plus grande partie de son temps en tournée, véritable missionnaire de l’instruction populaire, cheminant d’un village à l’autre, et portant ses conseils et ses encouragements jusque dans les hameaux perdus au fond des bois. Maître d’école enthousiaste, il faisait lui-même la classe et enseignait par l’exemple, expliquant et appliquant à la fois la méthode à suivre ou le procédé à employer. S’il en trouvait quelque part d’ingénieux, il les empruntait à leurs inventeurs pour les vulgariser presque toujours en les améliorant.

Dans ce contact incessant avec les maîtres et les écoliers, M. Carré puisait les sujets des « Instructions » pleines de suc, de saveur et d’à propos, qu’il publiait chaque mois au Bulletin. Je ne vois de notre temps que les « Causeries de M. Forfer » qui leur soient comparables. La presse pédagogique de Paris les reproduisait ; on leur faisait des emprunts dans les autres départements. Elles furent pour M. Carré le point de départ de ses