Page:Roy - L'épluchette, contes joyeux des champs, 1916.djvu/53

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
56
L’épluchette

Pour ne pas parier d’argent ;
Il propose donc à Gros-Jean
Devant un hostile auditoire
De nommer chacun, tour à tour,
Un saint juif, un saint catholique,
Appuyant chacun leur réplique
En extirpant brusquement, court,
Un poil de leur barbe abondante,
Un poil par saint appelé ;
Et la victoire concluante
Serait au moins épilé.
Le juif avec quelque ironie,
Fixa, sous un air complaisant,
L’auditoire, y compris Gros-Jean.
Ayant la barbe bien fournie
Tous deux, ce serait un duel
Rare et long à toute outrance,
Et serait à coup sûr cruel.
Il y eut alors un silence,
Court, mais comme un gros plomb, pesant.
Il fut rompu par Gros-Jean
Qui s’écria la voix fière :
— Eh ben ! j’accepte, nom d’un chien !
Et tu n’as qu’à te tenir bien :
J’te débarbusse d’là bell’ manière.
J’vas te nettoyer le menton
Mieux que le barbier du canton !
Alors, au milieu de la salle
Les adversaires on installe,
Mon Gros-Jean et son vis-à-vis.