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Page:Sand - Francia.djvu/102

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ment malgré son humeur jalouse et son outrecuidante fatuité. Francia n’était pas difficile, il faut l’avouer. Médiocrement énergique, étiolée au physique et au moral, elle reprenait à la vie depuis peu et n’avait pas encore tout à fait l’air d’une jeune fille, bien qu’elle eût dix-sept ans ; sa jolie figure inspirait la sympathie plutôt que l’amour, et, tout en donnant le nom d’amour à ses affections, elle-même y portait plus de douceur et de bonté que de passion. Si elle aimait véritablement quelqu’un, c’était ce petit vaurien de frère qui l’aimait de même, sans pouvoir s’en rendre compte, et sans soumettre l’instinct à la réflexion ; mais ce soir-là une transformation s’était faite dans l’âme confuse de ces deux pauvres enfants : Théodore s’éveillait à la vie de sentiment par l’orgueil patriotique ; Francia s’éveillait à la possession d’elle-même par la crainte de perdre son frère.

— Écoutez, père Moynet, dit-elle au limonadier, mettez-moi dans un cabriolet ; je veux aller trouver un officier russe que je connais, pour qu’il sauve mon pauvre Dodore.