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nain, celui-ci dut faire tous les travaux du ménage : « faire la cuisine[1], » écurer, laver et coudre.

Cela ennuyait beaucoup le petit prisonnier, qui chercha un moyen de se sauver des griffes du géant.

Le nain était « petit de corps, mais grand d’esprit[2] ; le géant était grand de corps et petit d’esprit ».

Certain soir, ils prenaient l’air frais à la porte de la maison.

« Père, » dit le nain, « voyez-vous les animaux étranges qui se promènent là-bas derrière les nuages ? »

Le géant regarda, mais ne vit rien.

« C’est étonnant, » dit-il, « qu’un si petit homme comme vous ait une vue si perçante, tandis que moi, le plus fort de tous les géants, je vois si mal. »

« Oui, mais il y a un remède à cela. »

« Lequel, mon fils ?… Je voudrais en user, car c’est une grande force que de voir très loin. »

« Il fait laisser verser du plomb fondu dans vos yeux ! »

« Essayons ! »

« Mais, » ajouta le nain malicieux, « cela fait grand mal et l’on est complètement aveugle pendant quelques jours. »

« Je résisterai bien à la douleur. Fondez tout de suite du plomb, mon fils, et versez-le dans mes yeux. »

Le nain riait sous cape et se mit à la besogne.

Ce fut fait au bout de dix minutes.

Le géant hurla de douleur la montagne trembla et les animaux sauvages se cachèrent dans leurs antres… Le géant était aveugle !

« Je suis le maître ici, » pensa le nain. « Nous allons faire bonne chère pendant quelques jours et, s’il y a du danger, nous nous sauverons. »

Il commença par tuer un chien et une brebis. Le chien rôti fut pour le géant, la brebis pour lui.

« Comment se fait-il que vous semblez savourer votre mets et que je mange à contre-cœur ? Ma viande est coriace comme du cuir et répand une mauvaise odeur. »

  1. De keuken doen !
  2. Kleinvan lijf en groot van geest !