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ÂME BLANCHE

intention. Puis, ce fut le cordonnier qui eut notre visite ; le marchand de bonneteries et la lingère suivirent. Ma tante m’acheta des gants de peau, un parapluie, un porte-monnaie, des rubans pour les cheveux…, enfin, tant et tant de choses si différentes, comme genre et comme prix, de celles portant le même nom, que j’étais accoutumée d’avoir à mon usage, que je n’en revenais pas. Eh ! bon Dieu ! Voilà comment s’habillaient les autres jeunes bourgeoises de ma condition et de mon âge ; voilà les étoffes dont elles se vêtaient ; voilà les objets qu’elles employaient couramment ; — mais, alors, en vérité, oui, l’exclamation de ma tante était juste et j’avais dû lui paraître bien fagôt !

Grâce à ce changement de toilette, je me sentais moi-même changée : je n’étais plus la Line réfléchie et triste qui avait grandi seule, dans l’ombre maussade d’une vieille maison, parmi des vieilles femmes parcimonieuses et austères ; une âme nouvelle fleurissait en mon cœur, et la pensée d’un retour à la mise étriquée et pauvre de mon enfance m’était pénible. Pour tout dire, je me trouvais bien mieux, bien plus à mon aise et à mon goût dans mon second avatar, et, en passant devant les glaces ornant les boutiques que nous visitions, je me mirais longuement, avec complaisance. La petite demoiselle qui m’apparaissait ainsi était, pourtant, à l’âge ingrat, avec des jambes et des bras trop