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ÂME BLANCHE

cratiques, était déserte : ma tante recevait une abondante correspondance venue de tous les points de la Belgique et de l’étranger, mais il ne pouvait être question pour elle de visites ni de réceptions. Grâce à ces circonstances propices, elle put s’occuper de moi tout à loisir : elle le fit avec un entrain, une fougue, une passion qui étaient excessifs et ne devaient avoir rien de très durable. L’état de mes cheveux, de mes dents, de mes ongles lui fut une préoccupation grave et, après s’être décidée pour moi à la coiffure dite « à la Vierge », elle m’ordonna la Poudre des Chartreux pour l’entretien de la bouche et une manucure suédoise pour me faire les mains belles. Déjà, elle s’était entendue avec un professeur de danse qui venait, deux fois par semaine, m’initier aux mystères du maintien correct et des bonnes façons.

Parfois, devant tant de peines dépensées pour faire de moi une élégante, mon oncle haussait les épaules ; il disait :

— C’est peut-être un bien mauvais service que vous rendez à cette petite, ma chère, de l’habituer ainsi au luxe, de lui inculquer, le goût de la dépense, l’amour du superflu. Vous savez qu’elle ne sera guère riche plus tard…

— Et notre succession ? protestait Mme Lorentz, d’un ton qui m’eût fait illusion sans le sourire muet de son mari, sans la manière. qu’avait alors celui-ci de me dire :