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Page:Yver - Cher coeur humain.djvu/144

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œil sur son ouvrage et l’autre sur la route, contrôleur de tout ce qui entre dans le village ou qui en sort. Parfois, elle s’arrête, l’aiguille en l’air ; ses yeux plissés s’allument de malice sous les lunettes : une remarque bouffonne qui vient de lui traverser l’esprit au sujet d’une telle ramenant ses vaches de l’abreuvoir, ou du maire, lourdaud et cossu, qui rentre après avoir visité ses terres. Pas une auto qui, au passage, ne reçoive son épigramme ; pas un touriste qui ne soit dépeint d’un mot formé en éclair dans l’esprit endiablé de la vieille femme.

En face, de l’autre côté de la route, elle voit la grange neuve, vaste comme une église, de maître Mathieu, l’équarrisseur.

La soupe du soir couronnée d’un coup de vin, à huit heures et demie, été comme hiver, Marie monte se coucher, après avoir assujetti d’une barre de fer la porte du couloir ouvrant sur la route et les auvents de toutes les fenêtres ; verrouillé aussi la porte de la resserre qui commande le jardin.

Voici d’abord allumée l’électricité. L’ampoule épuisée par l’usage est, en outre, si ternie de souillures qu’elle ne donne plus qu’une lueur charbonneuse. Ensuite, les genoux de Marie, rouillés de rhumatismes, ploient péniblement le