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Page:Yver - Cher coeur humain.djvu/146

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de s’y prendre bien : la pointe du pied au rebord du lit, un genou plié sur la rondeur du matelas — aïe, mes rhumatismes ! — et la voilà déjà qui s’allonge en riant toute seule de son tour de force.

Elle ressemble ce soir à la mère-grand du Petit Chaperon Rouge, sur ce vaste lit de parade blanc et cramoisi, avec sa bonne figure fripée et ses joues bien rondes dans l’oreiller. C’est l’heure où le passé lui revient : la mort de son pauvre mari, le mariage de ses filles : sa bouche édentée décoche un sourire malin à l’ainé de ses gendres qui avait l’air si benêt, le jour des noces. Est-ce quatorze ou dix-sept cents francs qu’avait coûté le repas chez la mère Albert ? Et sa mémoire travaille à reconstituer le menu. L’entrée lui manque. Ce n’était pas du lapin, non…

Neuf heures sonnent à la paroisse. On dit que la bonne de M. le curé est somnambule, qu’elle va au puits tout endormie. Que doit dire M. le curé quand il entend grincer la chaîne ?

Les idées de la bonne vieille commencent à s’embrouiller. Voici que, dans son assoupissement, elle croit reconnaître ce bruit de chaîne. Puis, elle remonte un instant à la surface de la connaissance : « Mais non, ce sont les rats dans le grenier. Ils s’en donnent à cœur joie depuis que la