Page:Yver - Cher coeur humain.djvu/203

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nateur, et à cette minute même, sans que je lui demandasse rien, elle me confia qu’elle prenait ses seize ans ce jour-là. Je ne la croyais pas si jeune. Ce coup me fit chanceler. Songe donc, à peine légalement nubile ! Je changeai de langage et pris des formules puériles pour lui parler. À la fin, elle me demanda de venir faire des balles chez elle le mercredi avec mon camarade. Elle n’était pas si petite fille qu’elle n’eût compris ma romance sans paroles. Ce n’est pas sûr que je lui eusse alors déjà plu ; mais elle aimait le goût de mon encens.

Cela dura les vacances.

Lorsque je la voyais, j’entrais dans le temple où nulle distraction n’était possible ; je m’abîmais en sa présence réelle sans la moindre réflexion. Lorsque je ne la voyais plus, j’analysais mon effrayant amour, me demandant s’il tiendrait, s’il n’était pas né d’une fantaisie de mon esprit, s’il comportait le Grand Serment, s’il Justifiait le front que j’avais d’aller le déclarer au fameux industriel des Vallées. Je doutais de moi. Je doutais aussi d’Alice. Je me surprenais à dire férocement : « Après tout, c’est peut-être une pécore ! » Mon vieux, on est ainsi. Un cœur humain est capable des pires