Page:Yver - Cher coeur humain.djvu/204

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

soupçons contre ce qui lui est le plus cher. Mais cela se passait dans des régions latérales à mon amour qui croissait d’heure en heure, sans éclaboussures.

Et puis, en effet, il y avait derrière elle le luxe compensateur qui ne motivait pas ma décision mais me permettait d’accepter les éventualités troublantes qu’elle comportait ; par exemple, que la société d’Alice me devint un jour fastidieuse, que je cessasse de l’aimer, qu’elle se révélât revêche ou légère. Vois-tu, j’ai des hérédités de grands-parents riches, moi. Quand on passe sa jeunesse étouffé dans le petit appartement à huit mille francs de sa famille et qu’au moment d’asseoir pour toujours sa place sociale, à ce moment fatal du mariage, où, d’un coup, l’on va tout jouer, les visions d’une vie puissante apparaissent, est-on blâmable d’être aspiré de ce côté ? Après tout, si je me trompais sur Alice, restait la vie puissante.

Voilà ce qui servit de lisières à mon amour naissant. J’en conviens. Mais, à mesure que j’avançais dans la connaissance d’Alice, les odieuses pensées, les tentations contre elle que je t’ai dites devinrent la proie du feu. Les sécurités que me donnait cette âme de cristal suffirent à m’assurer contre la vie conjugale. Mes hésitations