Page:Yver - Cher coeur humain.djvu/69

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Olive avait laissé couler sa dix-huitième, puis sa vingtième, et jusqu’à sa vingt-cinquième année dans sa sauvage et violente existence paysanne, forçant les oiseaux dans les marécages, sentant la vase des étangs comme une macreuse, se chauffant le soir, dans sa glaciale chambre de la tour Ouest, d’une brassée de sarments, ravaudant elle-même ses bas depuis qu’on avait renvoyé la dernière chambrière, contente de se dire, chaque fois qu’elle se piquait le doigt et qu’une perle de sang apparaissait :

— C’est le sang de Charles Martel.

Que ce sang mourût en elle et ne fût point transmis, peu importait, puisque le jeune duc Charles avait déjà, de mademoiselle de Pancé, trois fils bien faits et gaillards. Elle savait le peu d’importance d’une fille dans une dynastie et choisissait de ne jamais penser au mariage plutôt que de risquer l’injure faite à Bertrande. Sa bouche grande et aimable qui riait magnifiquement sur ses dents de proie, saluait de gaîté tous les coups du sort. Elle avait ri quand on en était venu à faire cirer les parquets par l’homme de campagne ; quand son unique redingote de chasse