Page:Yver - Cher coeur humain.djvu/82

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tier, elle n’a quitté une boutique d’armes ou de couteaux qu’elle n’ait reçu quelque folle commande. Pas un armurier ne résiste à sa persuasion. C’est un pouvoir indiscernable qu’aucun voyageur de commerce n’a encore exercé sur eux. Ignorants du sang qui l’anime, ce nom de Charlemart ne leur disant rien, sans aucun prestige préconçu et l’imagination libre de toute pression, ils subissent en sa présence une domination singulière. Jamais la maison de Florac n’a vendu tant de fusils ni de cartouches dans l’Ouest. Si bien que le tant pour cent mensuel de cette petite-fille de Pépin d’Héristal atteignait au bout d’un an un tel chiffre, que la manufacture, effrayée, décida de le limiter par un fixe.

On lui en fit par lettre proposition. Cette fois, mademoiselle de Charlemart, tournant sa torpédo, traversa la France pour se rendre à Florac. Des appointements l’eussent humiliée, sentant leur maître. Autrement c’étaient ses bons fusils qui, chacun, la payait loyalement, dès qu’elle avait assuré leur sort. Sur une lettre, le directeur eût regimbé. Mais quand elle dicta en personne ses volontés : « Je conserverai mon tant pour cent ou je partirai », on répondit amen. C’était à prendre ou à laisser. Puis elle remonta vers la Beauce.