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Page:Yver - Cher coeur humain.djvu/84

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entiers d’aujourd’hui, comme l’indique leur regard neuf et qui, posés sur le siècle sans fondations, ignorent même comment vécut le père de leur père. Il était habillé comme un riche jeune homme sportif, personnage de catalogue pour maisons anglaises, bas américains, culotte large, pull-over chatoyant, casquette de marque. C’était le fils du marchand de bois habitant le château sur la colline et vingt hectares de parc. Une famille éclose depuis la guerre.

Venu pour acheter des cartouches, il avait assisté à l’apparition d’Olive. Il avait vu son feutre en bataille forçant son lourd chignon, ses grands yeux rieurs et ses dents de proie ; son geste d’épauler, de faire ensuite basculer le fusil, d’en montrer l’intérieur. Il avait entendu sa voix de déesse chanter poétiquement l’arme vivante. Elle lui avait d’abord donné l’irrésistible envie de posséder ce fusil, et sur-le-champ, il en avait commandé deux au marchand. Maintenant il demeurait là, comme pour retenir un peu de la vision disparue.

— Oui, qui est-elle, cette femme ?

— La représentante de…

— J’entends. Mais de quel pays, de quelle époque arrive-t-elle ? On dirait une jeune fille d’il y a trente ans. Elle s’appelle ?