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Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/118

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fants dans une voie intellectuelle plus haute. Pourquoi me dire alors que l’intellectualité est un fléau, quand vous vous en servez comme d’un bienfait ?

» Mais quoi, messieurs, ce bienfait, vous le réservez à vos fils ? Pourquoi donc en priver les fils de la plèbe ? Serait-ce pour qu’un jour ceux-là pussent mieux dominer ceux-ci ?… »

Quelque chose d’étrange avait, depuis qu’il parlait, saisi la salle. Sa voix au timbre indéfinissable, son débit lent et simple, son immobilité même, étaient impressionnants. Un silence absolu régnait, où vibrait sa parole. À cette dernière allusion qui visait la peur bourgeoise de la démocratie, la gauche frémit, et se ressaisissant, malgré elle applaudit. Le centre, silencieux, mais déjà ébranlé, écoutait, à la fois effrayé et séduit. Quant aux royalistes, ils attendaient encore que le tribun s’attaquât aux prérogatives royales pour faire éclater d’unanimes protestations. Alors, quand il eut cette conscience subtile et grisante que connaissent les orateurs, de posséder son auditoire dans le recueillement et la sympathie, une assurance extraordinaire envahit le jeune délégué. La folie de son idée lui revint, les mots abondaient pour la traduire ; il en sentait toute l’exaltation et l’ivresse. Et l’on se rappela soudain les rhéteurs