Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/132

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’il l’avait atteinte et blessée personnellement, comme elle ne l’avait pas été jusqu’ici ; il sentit qu’il avait chagriné mortellement l’adorable femme, et il était bien à présent l’image du pays, tenaillé par ce double idéal de la souveraine et de la liberté, les aimant toutes deux différemment, mais sans savoir laquelle il sacrifierait à l’autre. Volontiers il se serait mis à ses genoux pour la supplier de lui pardonner, en même temps qu’un devoir plus haut lui commandait d’exploiter cette prostration, cette défaillance de femme. Et pour ne point lui paraître trop odieux, il entreprit l’histoire de leur état d’âme, à eux libéraux. Appariés depuis longtemps au parti républicain par une idéologie semblable, ils s’étaient laissé mener jusqu’aux frontières extrêmes du royalisme, retenus seulement par cette fragile barrière : l’amour de la paix et celui de Sa Majesté. Accommodant leur esprit progressif avec le culte de la souveraine, ils avaient voulu concilier les politiques opposées, rester à la fois les conservateurs et les évolutionnaires. Mais c’était là un marché de timorés, une transaction ; la parole du meneur avait éclairé cette compromission, et eux, voyant enfin la vérité, et brisant les barrières, avaient pénétré d’un coup dans le camp des démocrates,