Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/141

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colère, mais presque, oh ! oui, presque tout le monde le dit en admiration. En plein jour, à cette heure même, — que les gens sont étranges ! — ils sont à ce point dévorés par la curiosité, par la passion de le voir, que la grande rue du faubourg est pleine de tisseurs en chômage, de messieurs, de belles dames qui arpentent le trottoir, et qui mangent des yeux la maison. Elle, Hannah, n’a pas caché qu’elle était la femme de chambre de madame Wartz ; et aussitôt, dans la boutique où elle se trouvait, on a fait cercle autour d’elle, on lui a posé mille questions sur madame, sur monsieur surtout. Elle s’est sauvée à toutes jambes pour n’avoir pas à répondre à ces indiscrets.

Madeleine, assombrie soudain, renvoya la jeune fille, voulant s’habiller seule. Mais une rêverie si grave, si profonde et angoissante s’était emparée de son esprit qu’elle demeura longtemps, à demi vêtue, inerte, devant la glace, sans voir la pâle figure fiévreuse, et les minces bras nus que le miroir reflétait.

Ainsi c’était la révolution !…

Elle savait qu’un chavirement d’opinion, dans le monde pensant, n’est qu’une grande opération intellectuelle. Mais elle savait aussi qu’il dort dans le peuple des forces redoutables de cataclysme,