Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/146

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vous parlez tant, une justice implacable ; le poids de votre imprudence retombera sur le peuple que vous aurez conquis. Vous voulez enlever le gouvernement du pays à la monarchie, la plus simple et la plus naturelle des formes d’État, pour le donner à une sorte d’empire anonyme, incarnant la volonté du peuple, car votre république n’est que cela. Mais bientôt, je vous le prophétise, vous serez la proie du trouble, vous connaîtrez, l’un après l’autre, tous les orages capables de bouleverser une nation, et, loin de réprimer troubles et orages, votre autorité démocratique les subira tous, puisqu’il est de son essence, non point de diriger les aberrations du peuple, mais de les suivre !

Elle était si belle, si tragique, cette femme qui pouvait dire en face de ces hommes d’État : « Nous, les Rois ! » que tous gardaient le silence ; ses larmes les avaient émus, mais plus encore ses yeux, le reproche, la menace sibylline de ces yeux de feu qui avaient pris une expression surhumaine. Braun, qui était fort vulgaire d’éducation et d’esprit, était moins atteint par ce prestige indéfinissable ; il aurait aimé reprendre les arguments un à un et discuter avec Béatrix comme avec un homme. Les autres sentirent bien l’inutilité d’un tel effort. Ils étaient accablés, ils ne