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Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/155

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corps atrophiés : toute cette tourbe abominable qui ne sort de ses repaires qu’aux jours d’émeute, pour provoquer le meurtre et allumer l’incendie. Des bras se levaient en un geste de menace, des voix crapuleuses hurlaient des chants de mort. Et la horde passait comme le Destin en marche, piétinant, d’un claquement sourd de semelles, cette figure de pureté qu’est la glace.

Devant ce spectacle répugnant, Madeleine horrifiée eut l’impression de ce qu’on nomme la lie du peuple. C’était bien là, en effet, ces éléments troubles qui, dans les périodes d’ordre et de calme, demeurent diffus et invisibles dans la masse nationale, pour s’agglomérer et remonter comme une écume, aux jours agités des révolutions. Parmi les façades des maisons aux volets clos, le long du quai, elle apercevait là-bas la structure monumentale du ministère, son nouveau foyer ; elle eut la tentation de s’y réfugier tout de suite, d’y aller oublier ce qu’elle venait de voir ; un sentiment secret la poussa dans une direction inverse. Elle aborda la rue Royale, la grande voie de la cité, l’artère allant au cœur : l’hôtel de ville. C’était une image de mort. L’un après l’autre, les magasins de cette rue de marchands s’étaient fermés. Sur ces trottoirs grouillants de monde, d’ordinaire, à