Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/157

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qui devenait houleuse dans le tronçon compris entre la place Saint-Wolfran et son intersection avec la rue aux Juifs, à ce dernier endroit lui apparut impraticable. Artisans et hommes du monde, têtes nues et chapeaux, ne faisaient plus qu’une seule masse soudée, bougeant par grandes impulsions d’ensemble, et par-dessus ce compact fourmillement noir, de biais, on apercevait, vers le milieu de la rue aux Juifs, les clochetons aériens, les croix gothiques, les lucarnes à cadres ciselés du palais. Madeleine s’informa de ce qui se passait. On lui parla d’une manifestation royaliste qui commençait ici.

Seule femme élégante dans cette foule, elle fut vite remarquée. Un vieux monsieur grommela : « Cette petite est folle ! » D’autres se mirent à chercher brutalement, du regard, l’éclair de ses yeux au baisser des paupières, et elle voulut s’en retourner. Mais derrière elle, la muraille vivante s’était nourrie d’un nouveau flux. Et puis, juste à ce moment, une poussée se fit, une tornade de corps humains se mouvant sur place, sans débouché. On s’écrasa le long des maisons ; il y eut des cris de douleur mêlés aux cris d’enthousiasme, aux cris de guerre, et Madeleine, naufragée dans cette tourmente, cahotée, meurtrie, étouffant, vit passer