Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/16

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Il la regardait avec stupeur, prenant conscience tout à coup d’imprécises violences qui dormaient en lui. Il entendait garder du cœur de sa femme la possession absolue, sans restriction de politique sentimentale ou de secrets. Mais il se tut, comprenant qu’à cette minute le moindre de ses mots eût été en disproportion avec cette petite âme douce. On ne lance pas de pierres sur un oiseau.

D’ailleurs, ils étaient arrivés. Leur voiture s’arrêtait devant l’hôtel de ville. Madeleine ouvrit elle-même, sauta la première à terre, et sans se retourner vers son mari, l’allure gaie, serrant autour de sa taille menue sa grosse fourrure gris argent, elle s’en alla vers la lumière que la galerie des grandes baies cintrées, tout le long du péristyle, découpait en festons gigantesques.

Sous le feu blanc des lustres, des laquais chamarrés vinrent à eux pour le service du vestiaire. Des odeurs de fleurs, des parfums de femmes, l’air chaud, le finale d’une valse là-haut, à l’orchestre — cet en-haut où l’on voyait régner une lumière plus insoutenable, où piétinaient les cohues de danseurs, où était la Reine, et vers quoi s’éployait le double escalier de dalles blanches aux rampes en fer forgé tout cela était trop voluptueux, trop grand, trop grisant. Madeleine se rapprocha de