Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/191

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ce qui lui revenait alors à l’esprit, avec un agrément puéril, c’étaient ces pâles amours d’inconnues, amours sans couleurs ni figures, qui erraient autour de lui durant ces nuits moites, qui le cherchaient, le suppliaient. Peu à peu, cette science vague d’être tant aimé créa comme un lit voluptueux à ses pensées ; elles s’y reposaient, s’y amollissaient, elles y revenaient sans cesse. Quelquefois, dans des loisirs de sentiments, mais combien ces loisirs étaient courts et furtifs entre les mille soucis de son action colossale — il se sentait un cœur étrange ; il s’attendrissait. Et, à l’heure même, il lui fallait ordonner des répressions sévères contre les perturbateurs qui ne cessaient de faire courir dans les rues un feu latent. Chaque jour, de-ci, de-là, des rixes éclataient ; le sang continuait de couler, à peine, goutte à goutte.

Un soir, dès le souper, il était à ce balcon, la fenêtre à demi fermée derrière lui, et sa forme invisible dans les ténèbres. Quelqu’un pénétra dans la chambre de Madeleine, et, comme il se détournait par instinct, il vit Hannah dans la pièce devenue lumineuse. Elle se croyait seule. Elle allait et venait selon la coutume de son service, disposant la toilette de nuit de Madeleine. Elle mit sur la table les rubans couleur de paille qui