Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/193

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Samuel se sentit rougir d’une honte incompréhensible. Il eut voulu n’avoir rien vu. Il avait commis, envers la pauvre petite servante, une faute bizarre et involontaire, une faute dont le nom n’est écrit dans aucun livre de casuistique.

Ainsi, voilà que se révélait — et avec quelle brutalité pénible du hasard ! — une nouvelle amoureuse, ici même, dans sa maison, chez celle qui tenait de si près à la personne de Madeleine par les mille soins de son ministère, celle qui connaissait le poids, le toucher soyeux de ses cheveux, les secrets parfumés de sa toilette, les broderies intimes, la grâce cachée de ses membres. Il en était en même temps gêné et touché. Ces passions entre maîtres et servantes, avec leurs ridicules, leurs trivialités, les relents ménagers qui s’y mêlent, leurs basses ruses et la profanation du foyer, n’avaient jamais trouvé grâce devant lui. Et depuis longtemps peut-être, dans son intérieur, sans qu’il l’eût jamais pensé, cette petite Hannah l’aimait secrètement. Il ne s’en fâchait pas. Un homme ne se fâche jamais en pareil cas. Et même, quand il songeait à la culture, à la demi-science de cette jeune fille, à son élégance corporelle, à son esprit timide mais fin, qui lui faisait tenir si dignement, avec tant de tact féminin, son