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Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/199

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s’imposait, prenait les regards par violence, et, après les regards, les souvenirs. On se rappelait les fêtes du sacre, le jour où l’on s’était étouffé sur le parvis de la cathédrale pour voir la plus belle Reine du monde. On se rappelait les fêtes de son mariage, celles de sa maternité, quand était né le prince héritier qui promettait une ère de paix au pays ; on se rappelait surtout son désespoir à la mort du prince consort, désespoir de reine pleurant son amour brisé, qui avait arraché des larmes à toutes les femmes de Poméranie.

Dans les ménages d’artisans, à l’heure de la soupe, l’image traînait sur la table ; on la contemplait sans rien dire, les haines s’évanouissaient devant ce beau visage. On imagina pour la première fois ce que serait la ville quand Elle n’y serait plus, et cette méditation nationale eut pour conséquence de faire demeurer ces jours-là, les gens chez eux, taciturnes et rêveurs.

L’avant-veille des élections, Wartz s’aperçut qu’à son arrivée, Auburger restait un plus que de raison à l’antichambre ; il était trop peu maître de ses impulsions pour n’aller pas, sur-le-champ, éclairer ses soupçons ; et il vit, comme il s’en doutait, qu’Hannah était là, écoutant le policier qui lui parlait bas.