Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/214

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comme si toutes les minutes en eussent été comptées, une à une, dans la mélancolie. Elle pensait alors beaucoup à la Reine dont personne n’osait plus parler, comme si de prononcer même son nom eût causé dans les conversations une gêne insupportable. Elle plaignait la pauvre femme, qui traversait des épreuves auprès desquelles ses imaginaires tristesses ressemblaient à un ridicule énervement.

Ce jour-là, elle était si lasse d’ennui, qu’elle prit une carte et écrivit à Saltzen :

« Mon cher Docteur, pourquoi nous délaissez-vous de la sorte ? ce n’est pas le moment de nous oublier. Pour ma part, ce qui se passe tous ces jours me met l’âme à l’envers, et j’aurais très grand besoin d’être distraite et soutenue. Venez donc nous voir bientôt, je vous attends. »

En adressant ce billet au vieil ami, elle s’exonérait de tout scrupule, par cette excuse qu’elle était censée ignorer le sentiment de Saltzen pour elle, et qu’il n’y verrait aucune signification épineuse. Puis, n’était-il pas de son devoir de l’appeler, lui qui savait, comme personne, apaiser ses troubles, et rajeunir sans cesse l’amour de leur jeune ménage ?