Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/221

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depuis deux jours d’idées que leurs faibles cerveaux d’enfants ne pouvaient porter, ils se crurent rois, tous. L’orgueil les envahit. La phraséologie dont les harangueurs de taverne leur chauffaient l’esprit depuis l’organisation des comités politiques, leur montait à la tête. Ils sentaient cette puissance morale qu’on leur conférait, se confondre avec celle de leurs muscles inoccupés par le chômage, et possédés du besoin d’agir.

La longue rue du Canal, dessinant entre ses hautes maisons noires des ondulations vagues, coupait la ville, puante, obscure, étroite, mangée plus qu’à moitié par le lit du fluviole. C’était une petite rivière captée pour les besoins de l’industrie, où l’eau courait, rare et sale au fond du lit, souillée par le voisinage de cette population resserrée en des logements trop petits. Cette eau charriait les choses les plus hétéroclites ; et c’était toute la journée un fourmillement d’enfants malpropres, accrochés par grappes aux passerelles, la tête pendante dans le vide de la coulée, pour voir disparaître sous le noir des ponts, et revenir à la lumière, deux mètres plus loin, des détritus ménagers, ou des corps de chats qui s’en allaient doucement à la dérive comme des outres vides.

Les dégels récents avaient amené la pluie, une