Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/226

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visage levé vers cette chose inerte, image d’un mort. Ils le traitaient de tyran, d’ennemi du peuple, d’oppresseur. On entendait, sur les flancs de métal du cheval, le choc des pierres qu’on lançait ; on ramassait sur le sol des ordures avec lesquelles on visait la face haute du souverain. Sur la place, c’était un fourmillement dans lequel on ne voyait que les frémissements indistincts de moires sombres. Tout à coup, par la rue de la Nation, s’avancèrent des torches qui répandirent un rougeoiement sur la foule, et il apparut aussitôt un océan de visages humains surmonté d’une moisson de bras levés, de poings menaçants qui provoquaient le bloc de bronze, là-haut.

Sans qu’on sut comment, car désormais la masse géante et désordonnée, l’innombrable et folle chose ne connaissait plus de chef, il se fit un tournoiement de tous ces corps pressés, soudés en un organisme unique ; et cela commença de s’engouffrer dans la rue de la Nation qui descendait au fleuve. Ce n’était plus cinq ou six mille âmes, c’était un être formidable, souple et bougeant, démesuré, étendant sa matérialité pesante sur tout espace libre, se moulant aux rondeurs des places, aux angles des rues, remplissant les vides et traînant sa puissante masse par une