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Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/232

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Quelques lumières veillaient derrière les vitres. Le long de la grille, deux sentinelles des gardes marchaient.

Quand, d’une extrémité à l’autre, la rue aux Juifs fut envahie, une sorte de rire mauvais secoua la Bête. Elle se souvenait de sa servitude passée. Au moment où ses chaînes tombaient, elle les sentait pour le première fois, et, pleine d’un vicieux orgueil, elle venait les secouer, par bravade, devant la souveraine vaincue. Elle conçut un désir effréné de la voir, de lui montrer sa force contre laquelle aucune autorité ne pouvait plus rien désormais. Et elle commença de l’appeler à longs cris :

— Béatrix ! À la tourelle, Béatrix !

La tourelle était une construction de forme hexagonale, qui flanquait la façade. Aux jours d’enthousiasme populaire, c’était là que jadis une fenêtre s’ouvrait pour laisser entrevoir la Reine dans une vision qui pâmait la foule. Aujourd’hui le pouvoir avait changé de mains, et le peuple souverain sommait l’ennemie de paraître.

Elle ne parut pas. Les cris s’enflèrent et grondèrent, le diapason en tomba aux notes sourdes de la colère. Rien ne bougea dans le palais, et les lumières pâles continuaient de veiller derrière les