Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/233

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fenêtres. Comme la rue aux Juifs ne suffisait plus à contenir la multitude., le monument fut entouré sur toutes ses faces, rue Royale, rue aux Moines, et rue de l’Hôtel-des-Sciences. La masse, diluée un instant, s’était ressoudée en un quadrilatère compact, obsédant les murailles de pierre sombre, tumultueusement. Il y eut des alternatives d’irritation et de patience. Par instants, tout se taisait, des milliers d’yeux dévoraient la tourelle, dans l’illusion de voir bouger et s’ouvrir la grande baie du milieu. Et, soudain, la patience trompée dégénérait en folie ; l’épouvantable clameur d’imprécations s’élevait, non point violente ou forte, mais plus terrible encore, presque douce, creuse, partant du fond des poitrines, comme à la mer, avant l’orage, la tempête gronde sous l’eau. Ce n’était qu’un murmure, mais si profond, si étendu, si large, qu’on y sentait le rugissement étouffé d’une nation. Et ce fut dans l’horreur de cette tranquillité qu’éclata le cri plus sourd, plus chargé de terreur :

— À mo-o-ort ! Béatrix !… À m-o-ort !

Un bruit résonna dans le lointain : galopade de chevaux, choc des fers sur le pavé. Puis il y eut un tournoiement affolé de la masse sur soi-même : la garde chargeait.