Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/234

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La foule venait de franchir toutes les étapes qui mènent à la passion de combattre : la fièvre, le délire, puis la haine et la colère. Elle était prête pour la lutte ; la fureur la prit. Et, pendant que les cris de tuerie déchiraient l’air, là-bas, à une distance indistincte qui devait marquer le premier choc des soldats contre le peuple, elle se rua aux grilles du palais, massacra les deux sentinelles extérieures, et commença de secouer les ferronneries de l’entrée.

Avant que ces portes de fer eussent cédé, tout le long de la rue on voyait des hommes escalader la grille, puis retomber un à un sur l’asphalte mouillé de la cour, en même temps que la rue, dégagée d’autant, laissait remonter un flot nouveau qui venait se joindre à l’assaut.

L’entraînement de l’exemple, et les désirs atroces de cruauté qui venaient de naître dans les cœurs, portaient maintenant la foule qui semblait ne plus peser, qui semblait flotter sur le pavé comme une matière mobile et glissante, comme l’eau dont la masse a cette souplesse de poussée ; et elle se soulevait au-dessus de soi pour laisser déborder son trop plein par-dessus les grilles. Quand les portes furent forcées, que les deux battants s’ouvrirent sous la pesée de cette multitude, et que la vague noire des corps s’engouffra dans la cour d’hon-