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Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/250

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— Déjà ! déjà ! se redisait-elle.

Au début de leur union, combien de fois triste, âprement perspicace, elle avait eu l’épouvante de cette heure, qu’elle voyait sonner pour tant de ménages autour d’elle : la fin du rêve, la rupture du charme qui laisse les époux face à face, se regarder froidement, comme deux êtres quelconques jetés ensemble dans la même chambre et attachés l’un à l’autre par cette triste fille de l’Amour qu’est l’Habitude.

— Déjà ! se disait la jeune femme dans une analyse implacable, déjà !

Elle avait cessé de croire, cependant, à l’échéance cruelle. Samuel l’aimait trop, et elle-même, cet amour l’avait prise si totalement, qu’elle ne concevait plus la vie possible en dehors de cette folle tendresse. Et bien souvent, les mains étreintes, les yeux dans les yeux, ils s’étaient dit : « Ne plus nous aimer !… le pourrions-nous ? »

Et c’était lui, l’être adoré qui le premier se détachait d’elle. Le centre de la vie s’était pour lui déplacé et ne résidait plus ici, au foyer, mais là-bas, à cette salle du Conseil des ministres vers laquelle convergeaient tous les yeux du pays. Qu’était un pauvre cœur d’épouse, timide, souvent craintif, silencieusement passionné, pour cet