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Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/251

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homme à qui des millions de cœurs s’offraient dans le grand mouvement national ?

Par moments, une rancune désolée lui montant aux lèvres, Madeleine songeait :

« Oh ! moi aussi, je me détacherai, j’arracherai mon âme de cette autre âme qui ne veut plus de moi, je saurai bien me reprendre. »

Et elle échafaudait d’amères et tragiques imaginations. Un soir, lasse de vivre devant ce mari, comme devant le fantôme de leur bonheur fini, elle s’enfuirait, n’importe où, dans une maisonnette de la ville haute, où il ne pourrait la retrouver, à Hansen peut-être, ou même à l’étranger. Elle trancherait le fil, devenu illusoire, de leur union. Lui, ce soir-là, rentrant à son heure ordinaire et tardive, et ne la trouvant pas, s’en irait par toute la maison en l’appelant doucement, par habitude : « Madeleine ! Madeleine ! » Et comme sa voix errante de chambre en chambre ne recevrait pas de réponse, il assemblerait les domestiques, et avec une inquiétude dissimulée : « Où est madame ? » leur demanderait-il froidement. Eux, répondraient étonnés : « Nous ne savons pas. Madame est sortie. Elle n’est pas rentrée. » Alors, seul il prendrait son repas, et seul il viendrait dans sa chambre, avec un tremblement inavoué.