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Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/254

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du faubourg ; le ciel était tourmenté, et, par les déchirures des nuages, on apercevait des clartés dorées vers le couchant. Le fleuve se nacrait. Samuel ne rentra pas. Un feu doux de bûches, se consumant en braise, luisait dans l’âtre. Assombri par les tapisseries de couleur foncée, le jour baissait dans l’immense pièce. Madeleine prit une chaise basse au coin de la cheminée.

— Comme il me laisse seule ! pensa-t-elle.

Elle sentait ses mains pleines de caresses à donner, ses lèvres lourdes de baisers retenus. Qu’importaient désormais toutes ces mièvres choses à l’homme célèbre, l’homme du jour ! Elle sentait aussi dans son cœur une grande faim d’épanchement, d’intimité, d’entente secrète et mystérieuse… mais qui donc s’occupait de son cœur, de son pauvre cœur douloureux ? Où était-elle l’amoureuse amitié dont elle avait rêvé jadis les tendres confidences, les échanges délicieux entre leurs deux esprits ? Ah ! sa solitude morale était bien définitive ; Samuel ne comprendrait jamais sa suave conception de l’amour. Il ne chercherait pas à la comprendre. Il n’y avait pas, entre leurs âmes, cette secrète parenté qu’elle avait cru. Une rancune dans tout son être frémissait, se précisait contre son mari.