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Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/256

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Mais il avait beau dire, sa mine apparaissait changée, ses yeux éteints, la peau de son visage comme jaunie et fripée, et l’on devinait un abattement dans cet homme chez qui, d’ordinaire, une merveilleuse vitalité semblait éterniser la jeunesse. Il parut faire un effort pour dominer cette dépression.

— Eh bien, voici la Reine disparue ; que dites-vous de cela ? Pour moi, cette affaire est la plus tragique aventure. Certes, on ne fera pas croire à l’Europe que la Poméranie a égaré sa souveraine.

Et il s’efforçait à rire. Puis, repris par une mélancolie secrète, il reprit :

— Pauvre femme ! pauvre femme ! Quel sorti Quelle fuite ! Ce départ clandestin, après tant d’apothéoses ! Et nous ne la reverrons plus, c’est fini. Qui m’aurait dit l’autre jour quand nous la regardions à la tribune, si hautaine, si triste, si belle, que c’était la dernière fois !

— Ainsi, fit Madeleine, avec une gaieté factice, c’est la fuite de la Reine qui vous a bouleversé ?

— Bouleversé, non, mais j’en ai eu un léger chagrin. La vie est pleine de ces chagrins minimes qui nous atteignent légèrement, et seulement dans la mesure où nous avons déjà souffert. Ils sont comme ces poudres impalpables et anodines que les mé-