Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/257

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decins nous ordonnent, et qui ne nous paraissent corrosives qu’en touchant les plaies à vif. Il y a des souffreteux, des meurtris, des écorchés, qui souffrent ainsi du contact de tout.

Il détourna son regard vers le foyer, en étendant au feu sa main maigre et plissée. Madeleine n’osait parler. Une grande émotion l’avait saisie à revivre si ponctuellement son rêve. Jamais encore il ne lui était arrivé de voir Saltzen souffrir à ce point. Elle avait lu en lui le secret très doux d’un amour qu’on doit taire, elle n’en avait jamais compris la torture. Et aujourd’hui seulement, devant ce vieil homme ravagé, abattu, qui laissait échapper sa première plainte, elle concevait soudain la poignante mélancolie de cette vie sans espoir. Sa propre peine lui donnait aussi cette clairvoyance spéciale de l’expérience douloureuse. Pauvre vieil ami ! il souffrait par elle ; elle était son supplice et son martyre. Sans raisonner, elle avait envie de tendre vers lui ses mains, lourdes de caresses retenues ; elle les aurait doucement posées, ainsi, jeunes et fraîches, sur ces mains de cinquante ans, sèches, maigres et crispées de chagrin. Oh ! oui, elle sentait bien, à cette heure, comme il l’aimait, comme il la chérissait suavement, noblement, dans la pureté de son infran-