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Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/258

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gible silence. Au cours de leurs entretiens délicieux qui touchaient à tant de sujets délicats, à tant de choses d’âme, comme il savait rester muet sur l’invisible lien qui les tenait si près, si cœur-à-cœur ! Elle était encore plus émue. Elle se pencha :

— Monsieur Saltzen, je ne vous demande rien ; je vois que vous souffrez, je ne puis savoir de quoi ; mais vous, vous qui êtes un tel ami pour moi, vous devez savoir cette chose, que tout ce qui vous peine ne peut m’être indifférent, et que j’ai du chagrin, oh ! oui, bien du chagrin à vous voir si triste.

— Chère enfant, redit-il, chère enfant…

Il s’était redressé, la regardant étrangement.

— Non, vous ne pouvez pas savoir, reprit-il lentement. C’est une chose ancienne, très ancienne. Ma vie n’est pas gaie. Chaque jour en passant m’a laissé au fond de l’âme comme un précipité de tristesse, ainsi que diraient les chimistes, et au moindre trouble, tout cela s’agite et remonte. Mais vous ne pouvez pas savoir… Personne n’a su. J’étais fait pour être heureux comme tout le monde, je n’ai pas eu ma part, et voilà tout. Ma tristesse parfois me donne des joies parce que je l’aime, mais elle est atroce parce qu’elle est sans espoir. Que voulez-vous, c’est